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Pourquoi les femmes sont-elles en moins bonne santé mentale que les hommes?
Le blog de minds

Pourquoi les femmes sont-elles en moins bonne santé mentale que les hommes?

La grève des femmes et la Journée internationale des droits des femmes sont l’occasion, chaque année, de rappeler les inégalités persistantes entre hommes et femmes et de revendiquer des améliorations. En ce 8 mars 2023, minds saisit l’opportunité de mettre en lumière un domaine particulier où les inégalités sont moins connues mais pourtant frappantes: la santé mentale.

La santé mentale ne se résume pas à une absence de troubles psychiques. Elle comprend le bien-être, l’optimisme, la satisfaction, la confiance en soi, ou la capacité relationnelle. Elle est influencée par une interaction complexe de nombreux facteurs tels que les relations sociales, les événements de la vie, des facteurs génétiques, le revenu, la formation, l’emploi, le logement, l’accès aux services, les violences, les discrimination, ou encore l’environnement dans lequel on vit. Parce qu’il a une influence sur tous ces facteurs, le genre a inévitablement une influence déterminante sur la santé mentale.

La souffrance psychique des femmes

Comme dans beaucoup d’autres domaines, la situation des femmes en termes de santé mentale est moins favorable que celle des hommes. Les données suisses récentes (7) nous apprennent que:

18% des femmes font état de détresse psychologique moyenne ou élevée, contre 12% des hommes

FEMME

HOMME

40% des femmes déclarent souffrir de difficultés à s’endormir, insomnies, contre 28% des hommes

FEMME

HOMME

42% des femmes déclarent se sentir seules, contre 32% des hommes

FEMME

HOMME

10% des femmes souffrent de dépression modérée à grave, contre 8% des hommes

FEMME

HOMME

Ces chiffres sont frappants parce qu’ils révèlent une inégalité de fait entre hommes et femmes face à la souffrance psychique. Expliquer ces différences est complexe, mais en mettant en interaction le genre avec d’autres facteurs sociaux et avec certains facteurs de risque spécifiques, on peut tenter de comprendre comment les inégalités entre les sexes peuvent affecter la santé, notamment mentale (2).

Le prix des rôles sociaux

Les facteurs psychosociaux qui influencent la santé mentale des femmes ne sont pas les mêmes que pour les hommes. Des événements critiques tels que la grossesse, un avortement, des discriminations, des violences ou la parentalité en solo (la majorité des parents seuls sont des femmes) ont un impact direct sur la santé mentale des femmes.

Au-delà de ces événements, les rôles sociaux attribués aux femmes ont un lourd impact sur leur santé mentale. La répartition traditionnelle des responsabilités familiales et domestiques entre hommes et femmes constitue en soi un facteur de vulnérabilité. Dans 70% des ménages suisses ayant des enfants, la responsabilité principale des tâches domestiques incombe aux femmes (3). Et lorsqu’un enfant est malade, dans 74% des cas, c’est la femme qui reste à la maison. En Suisse, près d’une personne sur 13 est proche aidant (personnes qui prennent soin de proches malades ou incapacités), 54% sont des femmes (8). Ces personnes font face à des contraintes physiques, psychiques et sociales qui ont un impact négatif sur leur état de santé, leur bien-être et leur satisfaction générale (4). Ce sont également les femmes qui subissent les répercussions financières de la vie familiale (perte d’emploi, temps partiel, salaires et retraites moindres, etc.)

Cette surcharge familiale et domestique, cumulée souvent avec une vie professionnelle augmente le risque de surcharge mentale et émotionnelle, et par conséquent le risque d’épuisement, mais aussi de troubles anxieux ou dépressifs (2).

Le travail, incubateur de souffrance

La vie professionnelle des femmes constitue également une source de risques pour leur santé mentale. Dans le cadre de notre dernier dossier, nous avons abordé dans une infographie les multiples inégalités qui touchent à la santé mentale au travail. Les inégalités de genre sont bien présentes au travail, avec un impact non-négligeable sur la santé mentale des femmes. Une étude menée en 2016 par l’Université de Columbia a par exemple établi un lien étroit entre l’écart de rémunération entre hommes et femmes, et la survenue de symptômes dépressifs et d’anxiété.

Entre sexisme, harcèlement et discriminations, le milieu du travail peut ressembler à un incubateur de souffrance psychique pour les femmes. Selon un sondage réalisé pour Young Women’s Trust, au Royaume-Uni, près d’un quart des femmes du pays seraient victimes de harcèlement sexuel au travail, mais seules 8% de ces femmes le signalent. Toujours selon ce sondage, 31% des femmes disent avoir été victimes de discrimination fondée sur le sexe lors de la recherche d’emploi et plus de 40% des mères déclarent subir des discriminations à cause de leur grossesse. Elles sont 52% à rapporter que ces discriminations, et donc leur vie professionnelle, ont un impact négatif sur leur santé mentale.

Victimes de violences

Les femmes sont toujours aujourd’hui les principales victimes des violences d’ordre physique, sexuel ou psychologique. En 2021, sur les 44’600 victimes d’infractions en Suisse, 74% étaient de femmes. Mais 82% des auteurs étaient des hommes… (5)

Les conséquences de ces violences se traduisent, notamment, par des traumatismes psychiques même des années plus tard. Ces victimes ont un risque plus élevé de développer des symptômes dépressifs, des comportements à risques, des états de stress post-traumatiques, voire de faire des tentatives de suicide. Dans beaucoup de cas de violences, notamment de violences sexuelles, les victimes ne rapportent pas l’infraction avant plusieurs années, ce qui a pour conséquence de les priver des soins, du soutien et de l’accompagnement nécessaires. Ce délai peut aggraver la souffrance psychique des victimes et augmenter la durée des traitements lorsqu’ils sont enfin reçus.

Progresser et nuancer

Le genre est un facteur majeur de santé mentale, non seulement en tant que tel, mais parce qu’il influence tous les autres. La souffrance psychique des femmes est à l’évidence multi-factorielle, comme toute souffrance. Cette Journée internationale pour les droits des femmes nous donne l’occasion de nous souvenir qu’être homme ou femme, aujourd’hui, fait encore une différence, même en termes de bien-être mental, et que nous avons une responsabilité collective d’agir pour combler ces différences. Mentionnons également que si les hommes s’en tirent mieux que les femmes statistiquement, c’est peut-être également pour des raisons moins évidentes. La dépression masculine, par exemple, passerait souvent inaperçue et ne serait donc pas assez traitée en raison de barrières émotionnelles (les hommes parlent moins de leur souffrance que les femmes) et de problèmes de dépistage (les symptômes masculins de la dépression sont différents et donc méconnus, ce qui a pour conséquence qu’elle est souvent mal diagnostiquée) (6).