“La reconnaissance n’est pas seulement quelque chose qui nous fait du bien comme ça de temps en temps. Elle nous offre une appartenance à un groupe et nous permet de forger une estime sociale de soi”
Même au travail, nous ne sommes pas que des robots, mais bel et bien des êtres humains. En tant que tels, il est donc normal et légitime d’avoir besoin d’être reconnu·es. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas. Selon l’OMS, le manque de reconnaissance au travail fait d’ailleurs partie des risques dits psychosociaux – donc susceptible de menacer notre santé mentale.
Au travail, la reconnaissance est cruciale. C’est un levier de motivation important qui permet de s’investir, de s’intégrer dans l’entreprise et de mieux travailler. C’est donc dans l’intérêt même des entreprises de s’intéresser à ce sujet. Alors est-il parfois si difficile d’être reconnu·e au travail ? Quelles sont les barrières à la reconnaissance dans la sphère professionnelle ? Pourquoi est-ce souvent un combat ?
C’est là le cœur du sujet : il existe autant de manière d’être reconnu·e que de personnes sur Terre (désormais 8 milliards). Tout le monde est différent, avec un besoin plus ou moins grand de reconnaissance et une confiance en soi plus ou moins développée. Alors que certain·es souhaitent une reconnaissance financière, d’autres ont besoin d’être remercié·es au quotidien ou encore d’être félicité·es publiquement. Et ce ne sont pas seulement les salarié·es qui sont concerné·es ! Tous les niveaux hiérarchiques ont soif de reconnaissance.
“La reconnaissance externe est importante, peu importe de qui elle vient. C’est elle qui permet de confirmer qu’on a une identité, un lien social. Se dire qu’on est bon et qu’on est seul à se le dire n’est pas suffisant.”
La reconnaissance existentielle décrit le fait de reconnaître la personne comme un être humain à part entière, avec sa personnalité, ses besoins, son intelligence, ses compétences et ses émotions. Elle n’est pas spécifique au monde du travail, mais devrait être à la base de toutes les autres formes de reconnaissance. En plus de cette reconnaissance essentielle, la littérature scientifique dénombre 3 grandes formes de reconnaissance dans la sphère professionnelle:
Il s’agit de reconnaître les résultats du travail réalisé, que ce soit au niveau individuel ou de l’équipe. Cela permet de valoriser la contribution de chacun·e à l’entreprise.
Il peut s’agir de son comportement, ses compétences et ses qualités professionnelles.
Que la personne atteigne ou non ses objectifs, il s’agit ici de reconnaître l’investissement et les efforts déployés pour accomplir sa tâche.
La reconnaissance informelle à travers les gestes spontanés du quotidien revêt souvent plus d’importance aux yeux des collaborateur·rices que la reconnaissance formelle, même monétaire. En ce sens, les managers de proximité ont un rôle central à jouer pour assurer le bien-être de toutes et tous. Pourtant, iels ne sont pas toujours formé·es pour faire face à ce besoin. “Les managers d’aujourd’hui doivent apprendre à parler et à écouter. Ils ne peuvent plus comme autrefois se contenter de donner des ordres. Car chaque individu possède en lui-même les rouages de sa motivation. Ce n’est qu’à travers un dialogue constructif que le manager peut les découvrir et les actionner.” Ainsi, les responsabilités des managers ne devraient pas se limiter à la surveillance des personnes et la garantie de résultats. (Ré)intégrer la dimension humaine paraît essentiel. Faire preuve de bienveillance et d’empathie au quotidien dans les relations de travail est un moyen d’y arriver. Être un·e bon·ne manager ne veut donc pas dire être dur·e. L’idée que les gens soient plus performants sous pression est dépassée depuis bien longtemps déjà.
Si les relations au travail sont humaines, elles n’en sont pas moins hiérarchiques, et donc impliquent des dynamiques de pouvoir. Cette situation mène parfois managers et collaborateur·rices à manquer de confiance les un·es envers les autres. Ils hésiteront alors à exprimer leur reconnaissance à leurs collègues. Pour les managers, les raisons de cette hésitation peuvent être multiples : peur que leur appréciation ne mène à des demandes d’augmentation de salaires, que les collaborateur·rices ne prennent la grosse tête et se reposent sur leurs lauriers. La jalousie ou la peur d’être remplacé.es par un nouveau talent peut aussi être un frein à l’expression de reconnaissance. Iels font également face à la pression économique qui pèse sur leurs épaules. Ainsi, on ne complimente pas un·e collaborateur·rice, de peur de devoir le ou la licencier plus tard en raison d’une situation économique tendue. La reconnaissance devient alors tributaire de calculs budgétaires, organisationnels et stratégiques, et perd toute sincérité, voire disparaît complètement.
« Je n’ose plus exprimer ma reconnaissance, car je crains que mes propos ne servent à constituer des dossiers au cas où je devrais, pour des raisons économiques, me séparer de collaborateurs dont j’apprécie le travail. » Méfiance, défiance et manque de sincérité. Ces problématiques existent aussi du côté des collaborateur·rices. Cela peut se traduire par le refus d’exprimer ses besoins, de peur que de ne pas être entendu·e, ou d’être perçu·e comme une personne “négative” qui se plaint constamment. Si la reconnaissance est un besoin fondamentalement humain, il est ainsi difficile de l’obtenir dans des milieux professionnels dictés par des impératifs économiques et des relations hiérarchiques qui mettent à mal la confiance entre individus.
La reconnaissance est avant tout un devoir humain, que nous avons les un·es envers les autres. Lorsqu’elle pousse les portes de l’entreprise, elle ne devient pas uniquement la responsabilité du management ou de la direction. Avoir une culture de reconnaissance saine au sein de l’entreprise, c’est comprendre que nos collègues, nos managers, nos patron·nes, nos collaborateur·trices, ont toutes et tous un besoin légitime de reconnaissance, et peuvent toutes et tous en retour contribuer à remplir ce besoin chez les autres. S’il incombe à la direction d’instaurer un cadre propice à l’expression de la reconnaissance, cette dernière ne doit pas venir seulement d’en haut, mais circuler librement à travers tous les niveaux hiérarchiques de l’entreprise. “La grande majorité des gens, pour être heureux, ce qu’ils veulent, c’est bien faire leur travail. À partir du moment où cela est reconnu, cela nourrit le plus l’âme.”
Que peut-on faire en tant que personne si on a l’impression de manquer de reconnaissance au travail ? La première étape est d’identifier ce que ce manque de reconnaissance nous fait, quelles émotions cela suscite, quels besoins ne sont pas satisfaits. Une fois que j’ai pu identifier plus finement ce qui me pose souci dans le manque de reconnaissance, je peux essayer de l’obtenir. Parfois en allant la chercher si elle ne vient pas naturellement, par exemple en demandant ce que l’entreprise/hiérarchie pense de notre travail, parfois en se l’accordant à soi-même ou dans l’équipe et parfois en prenant la décision de partir si, après discussion, elle n’est toujours pas présente et crée de la souffrance au travail. Qu’est-ce qui provoque des sentiments de manque de reconnaissance au travail ? Nous avons chacun notre définition de la reconnaissance au travail. Pour certains elle se manifeste par la prime annuelle, pour d’autres par un remerciement au quotidien pour les tâches effectuées. Ce que j’ai constaté en entreprise c’est que ce sujet n’est pas suffisamment abordé pour comprendre ce dont chaque collaborateur a besoin. J’ai souvent remarqué que les employés souffrant de manque de reconnaissance se plaignaient d’un manque d’attention au quotidien qu’un merci lors de la fête de fin d’année ou la prime annuelle ne compensait pas. Quels conseils donner aux entreprises et aux individus pour améliorer la situation ? Nous avons tous et à tout niveau besoin de reconnaissance au travail. Cela va du collaborateur au chef d’entreprise. Il existe des formations inter-entreprises qui permettraient à une petite entreprise de former ses cadres. Il existe également de la littérature sur le sujet. Instaurer une culture de reconnaissance est une responsabilité partagée. Pouvez-vous expliquer un peu plus cette notion ? Qu’est-ce que cela implique concrètement ? Je pense qu’il est de la responsabilité de chacun de travailler sur un changement de culture. Il ne suffit pas de former les managers de proximité, c’est toute la ligne managériale qui doit être sensibilisée et souhaiter un changement pour une meilleure reconnaissance au travail. Les collaborateurs ont également un rôle à jouer en exprimant clairement leurs besoins et en osant aborder ce sujet. Concrètement, cela passe plus par des paroles et des actes au quotidien que par des actions annuelles ou on reconnaît le travail accompli. Il s’agit également de reconnaître l’effort effectué et pas seulement le résultat.
La reconnaissance fait partie des besoins fondamentaux des êtres humains. Que ce soit au travail, comme dans notre vie privée, nous avons toutes et tous besoin d’être valorisé·e, soutenu·e et apprécié·e. C’est une composante essentielle de notre bien-être psychique qui contribue à l’estime de soi !
Hélène Vecchiali, psychanalyste et coachComment le travail peut-il répondre à nos besoins fondamentaux ? Pourquoi a-t-il autant de pouvoir sur notre état d’esprit et notre moral ?
Ça veut dire quoi pour toi, être reconnu·e ?
Professeur Jean-Pierre Brun, Département de management, Université Lavalles formes de reconnaissances au travail
La reconnaissance des résultats
La reconnaissance relative à la manière dont la personne effectue son travail
La reconnaissance de l’investissement fourni dans son travail
Les managers de proximité, au coeur du processus de reconnaissance
Romain Hofer, spécialiste RH, marketing et communicationPas de reconnaissance sans climat de confiance
Dirigeante d’entreprise citée dans Être reconnu au travail, un besoin vital, 1er décembre 2020Quelle place donner à nos émotions au travail ?
Un devoir humain
Professeur Jean-Pierre Brun, Département de management, Université LavalPAROLE D’EXPERTE
Il faut donc des conditions et un cadre qui permettent aux collaborateurs de faire remonter ce sentiment de manque de reconnaissance en précisant leurs besoins. Souvent, les informations sont remontées sans résultats. Les collaborateurs finissent par ne plus nommer leur sentiment ce qui n’enlève pas la souffrance pour autant et va exacerber le sentiment d’impuissance et de non reconnaissance et ainsi augmenter la distance entre l’équipe et la hiérarchie.
Ressources
Sources