Comment le travail influence-t-il
notre santé mentale?

Au travail, de nombreuses émotions peuvent cohabiter. On peut se sentir à l’aise, bien dans ses baskets, en sécurité, serein.e, confiant.e, galvanisé.e ou même euphorique. Mais il arrive aussi de se sentir découragé.e, pas reconnu.e, stressé.e, voire perdu.e… Pourquoi notre travail a-t-il autant de pouvoir sur notre état d’esprit et notre moral ?

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Le travail, une activité omniprésente ?

Le travail occupe une place fondamentale dans nos vies. En Suisse, le temps partiel gagne du terrain mais la majorité de la population active travaille encore à 100%.  En Suisse, en 2020 :

7’608

milliards

Heures travaillées
par les personnes actives en 2020

41.8

heures

travaillées / semaine
par les personnes actives à 100 %

68

%

Pourcentage
de la population dite “active”

Qu’est-ce qu’une personne active ?

Selon le Bureau International du Travail (BIT), les personnes actives sont :

les personnes indépendantes, les personnes travaillant dans l’entreprise familiale, les personnes salariées, les apprenti.e.s, les personnes au chômage

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Le travail, au coeur de nos besoins ?

Lorsqu’on se sent bien au travail, on se sent mieux tout court ! Mais pourquoi ? Comment ça marche ? Pourquoi notre travail a-t-il autant d’impact sur notre bien-être ?

C’est parce que le travail est profondément connecté aux besoins humains fondamentaux. Les besoins essentiels de l’être humain et le travail entrent en quelque sorte en résonance. Avoir un salaire décent, c’est répondre à nos besoins physiologiques de base (se nourrir, boire et dormir) pour nous permettre d’accéder à d’autres besoins tout aussi essentiels : se sentir en sécurité, apprécié.e, reconnu.e et accompli.e.

La pyramide des besoins et le travail

Abraham Maslow crée la théorie de la pyramide des besoins en 1943. La pyramide rend visible une hiérarchie des besoins fondamentaux des êtres humains. Chaque étage de la pyramide correspond à un besoin. Le besoin le plus bas doit être assuré avant de pouvoir remplir les besoins les plus élevés. Par exemple, il faut pouvoir assurer notre survie (manger et boire) avant de s’inquiéter de notre bien-être émotionnel.

Le travail peut contribuer à gravir chaque étage de la pyramide en répondant à nos besoins fondamentaux.
Plus le travail répond à nos besoins, plus il nous fait du bien !

Nous avons placé le travail au cœur de nos besoins fondamentaux en tant qu’êtres humains

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Le travail, ami ou ennemi ?

Quel impact le travail a-t-il sur notre santé mentale ? Peut-il contribuer à notre bien-être ?

Les enquêtes de l’observatoire de minds le confirment : la réalisation de chaque besoin de la pyramide améliore notre santé mentale.

Lorsque le travail permet de :

> subvenir à nos besoins primaires (logement, nourriture, etc.)
> se sentir en sécurité, sans angoisse du lendemain
> ressentir un sentiment d’appartenance
> se sentir respecté.e

On constate :

> une amélioration du bien-être émotionnel et psychologique
> un sentiment d’être mieux soutenu.e et de mieux soutenir son entourage
> une diminution de la souffrance psychologique

Sur 541
Genevois.es

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La souffrance au travail

Le travail peut nous faire du bien. Mais il peut aussi nous faire du mal. La souffrance au travail est commune en Suisse.
Un certain nombre de risques peuvent diminuer notre bien-être, en s’attaquant à nos besoins fondamentaux.

En Suisse au travail, chez les personnes actives :

Des personnes sont exposées à au moins une situation*
menaçant leur bien-être psychologique

Des personnes souffrent d’un niveau de stress critique

Des personnes sont épuisées émotionnellement

Des personnes ressentent une perte de sens

Des personnes se sentent en contradiction avec leurs valeurs

Des personnes craignent de perdre leur emploi

Les facteurs psychosociaux au travail, c’est quoi ?

Ce sont les conditions de travail qui ont une influence sur notre santé mentale. Chaque facteur peut devenir une ressource OU présenter un risque pour notre bien-être. Par exemple, une bonne ambiance de travail avec des collègues solidaires fait du bien. Mais une mauvaise ambiance nous fait du mal.

Il existe 32 facteurs psychosociaux selon l’Office fédéral de la statistique

Pour agir en faveur du bien-être de toutes et de tous,
il faut transformer les conditions de travail en ressources plutôt qu’en risques

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Pas tous égaux !

Tous les individus ne sont pas exposés aux mêmes risques pour leur santé mentale.

Chez les personnes actives, ces risques varient en fonction de nombreux facteurs :  l’âge, le genre, le secteur d’activités, le statut migratoire, etc.

Panorama des inégalités en quelques chiffres :

Le genre

Les femmes et les hommes ne souffrent pas de la même manière.
Les femmes sont plus susceptibles de souffrir de surcharge émotionnelle ou encore de fatigue de compassion.

Les hommes, eux, souffrent davantage de forte pression ou de pression temporelle. C’est-à-dire : la pression ressentie lorsque la quantité de temps disponible pour réaliser une tâche est inférieure à la quantité de temps nécessaire.

FEMMES

HOMMES

Surcharge émotionnelle ou fatigue de compassion, en fonction du genre

FEMMES

HOMMES

Pression au travail en fonction du genre

Qu’est ce que la fatigue de compassion ?

Vous entendez des récits d’expériences difficiles ou êtes témoins d’événements traumatiques qui vous affectent ? Il est possible que vous souffriez de « fatigue de compassion », un état de stress et d’épuisement souvent associé aux domaines professionnels du « care » (métiers de la santé, de l’action sociale et de l’enseignement) qui requièrent de l’attention et de l’empathie. Les femmes, beaucoup plus nombreuses dans les métiers du care, souffrent plus souvent que les hommes de fatigue de compassion.
Source : OSAR – organisation suisse d’aide aux réfugiés

Âge

Les jeunes actifs sont de manière générale moins satisfaits dans leur travail.
Cependant, les 45-54 ans souffrent plus souvent de forte pression.

15-24 ANS
14%
35-44 ANS
11%
45-54 ANS
9%
55-64 ANS
7%

Personnes peu satisfaites ou très peu satisfaites de leur travail en Suisse, en fonction de l’âge

 

Niveau de formation

Notre niveau de formation, aussi, a un fort impact sur notre santé mentale au travail.

De manière générale, les personnes les plus formées sont plus satisfaites au travail que les personnes les moins formées.

SCOLARITÉ OBLIGATOIRE
17%
DEGRÉ SECONDAIRE
10%
DEGRÉ TERTIAIRE
8%

Personnes peu satisfaites ou très peu satisfaites de leur travail en Suisse, en fonction du niveau de formation

 

Secteur d’activité

Le type de métier exercé est un grand facteur d’inégalité.

Les professionnel.le.s des métiers du soins, du social et de l’enseignement sont de loin les plus touché.es dans leur santé mentale.

Santé et action sociale

Enseignement

Administration publique

Industrie

Construction

Personnes dont le bien-être psychologique est menacé par au moins 3 conditions de travail, en fonction du secteur d’activité

 

Nationalité

Les personnes de nationalité étrangère sont globalement moins satisfaites dans leur travail.

Les étrangères et étrangers sont aussi beaucoup plus nombreux.ses à craindre de perdre leur emploi actuel.

Suisses.esses

Étranger.eres

Personnes redoutant de perdre leur emploi, en fonction de la nationalité

 

“La crise sanitaire nous l’a rappelé avec force : les métiers du soin souffrent d’un manque criant de reconnaissance sociale et financière”

—  Louie Media

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Prévenir plutôt que guérir

Comment faire pour que les gens se sentent bien au travail ? Comment garantir que notre travail contribue à notre santé mentale ?
Il faut agir sur les conditions de travail  : optimiser les ressources et minimiser les risques.

Que pouvons-nous faire ? Voici quelque exemples d’actions individuelles, collectives et politiques :

“Plutôt que de concentrer toute notre attention sur l’extinction de feux individuels, nous commençons à prêter attention aux facteurs plus larges qui contribuent à ces flambées.”

—  Dr. Justin D. Henderson (traduit de l’anglais)

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